Une concurrence déloyale ?
Ces derniers jours, deux éléments dans l’actualité hypothécaire ont attiré mon attention. La remise en question du monopole des agents immobiliers par le Bureau de la concurrence, et les mesures prises par Jim Flaherty pour éviter une dérape dans l’immobilier. Aujourd’hui, j’aborderai le sujet du monopole des agents immobiliers.
Une histoire de monopole qui déplaît à plusieurs
Tout d’abord, l’histoire du monopole… Ceux qui ont tenté de vendre par eux-mêmes leur maison dans les dernières années savent de quoi il retourne. En ne faisant pas affaire avec une agence pour les représenter, effectuer les placements publicitaires et les supporter pour les aspects légaux et stratégiques de la transaction, ces particuliers ne pouvaient avoir accès au réseau SIA.CA. Le réseau SIA (MLS en anglais) est détenu à 90% par l’Association Canadienne de l’Immeuble, qui représente 98 000 courtiers immobiliers. Un particulier qui considère ne pas avoir besoin des services d’un courtier pour effectuer sa transaction et qui voudrait payer pour y afficher simplement sa propriété sur le site SIA.CA ne peut le faire. Il perd donc beaucoup de visibilité sur le marché, ce qui peut rendre la vente de sa propriété plus difficile, plus lente et même en bout de ligne forcer le propriétaire à faire appel à une agence en désespoir de cause.
Pourquoi ne pas faire appel à un courtier dès le départ dans ce cas? Je vais vous répondre de façon très personnelle: pour les aspects légaux, je préfère faire affaire avec mon notaire. Je considère qu’au nombre d’années d’études qu’il a faites, il pourra me conseiller judicieusement et s’assurer que le contrat de vente-achat est rempli adéquatement. Pour ce qui est des aspects stratégiques de la négociation, je pense personnellement que cela dépend de notre confiance en nos propres capacités de négociateurs. Pour ma part, je sais combien vaut ma propriété sur le marché, je sais combien j’en ai pris soin, ses forces et ses faiblesses. Je n’aurais aucun mal à défendre mes arguments. De plus, j’ai confiance en moi. Quelqu’un qui aurait peur de ne pas bien savoir négocier, ou qui n’a pas de temps à consacrer à sa transaction immobilière peut préférer faire affaire avec un agent. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi je paierais quelqu’un pour faire ce que je considère être en mesure de faire moi-même… reste à savoir si j’en aurai le temps . Pour ce qui est de l’affichage dans les médias, le particulier ne peut avoir accès aux prix d’escomptes que peuvent négocier certains courtiers en raison du volume de publicités achetés, c’est un fait!
Vous vous demandez peut-être pourquoi le Bureau de la concurrence s’immisce-t-il dans l’affaire du réseau SIA? Si c’est un réseau détenu par des courtiers en majorités, ils devraient pouvoir en faire ce qu’ils veulent non? Hé bien, pour plusieurs raisons, vous ne devriez pas vous limiter à ce point de vue. En tant que consommateur, vous avez droit d’avoir accès à une variété de services offerts dans un contexte de juste concurrence. Pourquoi? Pour éviter que vous ne soyez obligés d’acheter des services qui ne vous conviennent pas parce qu’il n’y a pas d’autre option!
Dans le cas du réseau SIA, pour pouvoir y être affiché, le particulier doit obligatoirement acheter les services d’un courtier, même s’il considère ne pas en avoir besoin. De plus, les courtiers qui voudraient offrir un service fractionné pour un moindre coût que le traditionnel forfait tout inclus, se font révoquer leur accès au réseau SIA. Donc, un particulier qui voudrait contacter une agence pour profiter de l’affichage publicitaire à grande échelle mais qui souhaite piloter le reste de la transaction lui-même ne peut pas le faire.
Autrement dit, pour avoir accès au maximum de marché, les particuliers en ce moment n’ont pas vraiment le choix que de prendre le gros forfait avec un courtier. Et c’est cela que le Bureau de la concurrence questionne. Les particuliers se retrouvent coincés à acheter des services dont ils se passeraient peut-être. Et plus la propriété vaut cher, plus cela coûte cher aux particuliers, donc plus ils y perdent du profit.
Un exemple chiffré: prenez deux maisons équivalentes et deux courtiers équivalents offrant les mêmes services sous la même bannière. La différence entre les deux maisons est que l’une est à Montréal et l’autre est à Québec. Le prix de la maison Montréalaise est fixé à 340 000€, celle de Québec à 225 000€. L’agence qui fait la vente facture 7% du prix de vente comme commission. Dans le cas de la maison de Montréal, la commission se chiffre donc à 23 800€; dans le cas de la maison de Québec, l’agent touchera 15 750€. L’agent étant un travailleur autonome, il doit déduire de sa commission ses frais publicitaires, ses frais de déplacement, ses frais de bureau et bien sûr se garder une réserve pour ses impôts qu’il devra payer en fin d’année fiscale.
La question ici n’est pas de savoir si le prix payé par le particulier vaut le service reçu. Dans le monde des travailleurs autonomes, il y a des perles et des orties. Il y a des courtiers qui travaillent fort et méritent pleinement leur commission, et il y en a d’autres pas du tout. Et dans chaque milieu de travail, salarié ou consultant, il y a de bons et de mauvais travailleurs.
La question est plutôt pourquoi le particulier devrait être obligé de prendre le forfait tout inclus? Pourquoi les agences qui souhaitent offrir un service que le client peut ajuster en fonction de ses besoins plutôt que de systématiquement facturer à la commission se font révoquer l’accès à SIA? Suivant cela, est-ce que le Bureau de la concurrence a raison de se mêler de ce dossier? L’évolution de ce dossier sera définitivement à suivre de près!
Et vous? Si vous deviez vendre votre propriété demain, ce serait avec ou sans courtier? Prendriez-vous en charge tous les aspects de la transaction ou seulement quelques-uns?
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !